À l'ombre des châtaigniers by Mireille Pluchard & Jacky Dupont

À l'ombre des châtaigniers by Mireille Pluchard & Jacky Dupont

Auteur:Mireille Pluchard & Jacky Dupont [Pluchard, Mireille & Dupont, Jacky]
La langue: fra
Format: epub
Tags: ZP Lit. Générale
ISBN: 9782353030668
Éditeur: Éd. L'Écriteau
Publié: 2011-07-31T22:00:00+00:00


Un après-midi, quand j’entrai, Jeannot était au bar, il buvait une bière, seul. Je lui dis bonjour. Il me répondit sans sourire, d’un léger mouvement de sa tête baissée puis me tourna le dos. J’allai m’asseoir à une table où des camarades jouaient à la belote. Depuis mon siège, j’observais à la dérobée mon ancien ami qui, agrippé à la barre du comptoir, levait de temps en temps la tête pour jeter un coup d’œil panoramique aux murs de la salle tout en aspirant les dernières gouttes de sa cannette de bière. J’eus la nette impression qu’il fuyait mon regard.

Soudain, il se tourna, lâcha le comptoir et se dirigea en titubant vers la sortie. Il réussit à atteindre la terrasse, mais trébucha à une chaise et tomba. Les clients éclatèrent de rire. Je me précipitai pour le relever :

— Fous-moi la paix ! me dit-il.

J’insistai et réussis à le mettre sur pieds. Des enfants qui passaient par là se moquèrent de lui :

— Eh, l’empégué, il est encore plus rond que l’autre jour ! dit l’un d’eux.

Jeannot le menaça du poing ce qui les fit encore plus rire.

— Allez, viens ! Je te ramène chez toi, lui dis-je.

J’avais mis mon épaule sous ses aisselles, il me suivit en chancelant. Soudain, il s’arrêta :

— Ma mère, dit-il en bégayant, ma mère, elle va pleurer.

— Alors, je t’emmène chez moi.

— Non, non ! Ta mère, ta mère le dirait à la mienne… Emmène-moi, emmène-moi dans ma remise.

Nous y allâmes. J’ouvris la porte et l’aidai à rentrer. Il se laissa tomber sur de vieux sacs de jute. J’en roulai un et lui fis un oreiller :

— Ça va ? lui demandai-je.

Il dormait déjà.

Je ne le revis pas et, les vacances terminées, je retournai vivre à Nîmes. Il avait été un grand frère pour moi et je pensais fréquemment à lui : comment se pouvait-il qu’une existence basculât à ce point pour une simple déception amoureuse ?

Ma cousine, bavarde, nous téléphonait souvent. J’en profitais pour lui demander des nouvelles de Jeannot.

— Ton Zannot, me répondait-elle sans indulgence, il dissout ses angoisses existentielles dans la bière.

Elle riait puis ajoutait :

— Il est rond comme un tonneau du matin au soir ! Quand il sort, tout Quissac se fout de sa gueule.

— Il fait une cure de désintoxication, corrigeait la tante Lucie, il est sous tranquillisant.

— Il est soûl tout court ! plaisantait Fannette.

Mon oncle m’invita pour les vacances de Noël. Le lendemain de mon arrivée, j’osai aller chez mon ami pour essayer de le rencontrer. Sa mère vint m’ouvrir. Elle fut surprise de me trouver là :

— Jeannot est malade ! me dit-elle.

— Puis-je le voir ?

— Il vaudrait mieux pas, il dort.

Je m’en revins chez ma tante dépité. La gêne de la mère qui me recevait sur le pas de la porte et la froide désinvolture de ma cousine me dérangeaient. Je pris pour prétexte un long travail scolaire et retournai sur Nîmes bien décidé à ne plus revenir de sitôt au village.

Les années passèrent.



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